La plume est chaude, vraiment très chaude, en cet été 2019 qui se montre bien chaleureux. Tous en quête de rafraîchissements divers, entre ventilateurs, breuvages estivaux, fruits et légumes frais, éventail et crèmes glacées alléchantes, notre nez nous aide aussi à gagner en confort lorsque le mercure s’emballe. De quelle manière ?!
Restez, on en parle maintenant.
Une atmosphère chaude véhicule mieux les odeurs car volatiles
Rappelez-vous cette publicité télévisée culte de 1997, où sous une chaleur accablante Perrier réveillait les tableaux d’une brasserie désertée. Edith Piaf finissait sur un court de tennis de Roland-Garros sous les yeux amusés de la serveuse ! Et bien la chaleur conduit bien à ce joyeux mélange un peu folklorique de petites bulles, mais plutôt de l’ordre du micron puisque nous parlons de molécules odorantes. Quand nous respirons, beaucoup de composés odorants parcourent notre nez et sont reçus par nos récepteurs olfactifs. Des cellules nerveuses spécifiques les captent et conduisent ces informations pour être finalement interprétées par notre cerveau. Plus il y a de molécules odorantes dans l’air, plus il y a d’informations à traiter et plus notre nez se sature, le pouvoir de l’odeur devenant intense. Alors quand est-il de la température ambiante ? A-t-elle une quelconque influence sur notre faculté à sentir ? La réponse est oui bien sûr. Je crois que nous avons par exemple tous remarqué que les quais du métro sentent beaucoup plus mauvais en période caniculaire ou le fumet des restaurants dans la rue est beaucoup plus présent, Pavlov ne doit pas s’en plaindre. L’explication réside dans la composition chimique de l’air. Quand l’air est chaud, on y trouve davantage de vapeur d’eau que dans l’air qui est froid.
Ces molécules d’eau possèdent alors plus d’énergie pour se déplacer. Imaginez des nuages transparents se déplaçant dans une atmosphère chaude et qui sur leur passage emprisonnent des plus petites molécules – odorantes – qui s’avèrent être des stimuli puissants de l’odorat. Plus l’air est chaud et humide, plus des nuages de vapeurs d’eau apparaissent, plus les molécules odorantes sont volatiles et plus notre odorat est sollicité.
Ceci dit, il est intéressant de comprendre de quelle manière ces odeurs et sensations de températures variables sont traitées dans notre tour de contrôle, le cerveau.
Un peu de biologie des sensations trigéminales, ou la perception des odeurs « chaudes » ou « froides »
Notre corps est fabuleux. Possédant un génie de réseaux nerveux denses, variés et extrêmement bien organisés, nous y comptons l’existence d’un nerf particulier appelé le nerf trijumeau. Ce nerf nous permet d’apprécier toutes les sensations procurées par notre appareil gustatif lors de la prise d’aliments (température + consistance + texture) mais aussi tout simplement lorsque nous sentons.
Ce nerf est présent en deux exemplaires – d’où jumeau – un de chaque côté de notre visage et qui passe par 3 endroits différents, d’où le préfixe -tri : il passe sous notre bouche, notre nez et nos yeux. Oui, vous lisez bien, ce nerf trijumeau innerve aussi nos yeux, car finalement les odeurs sont d’autant plus exacerbées lorsque nous pouvons voir la source odorante, n’est-ce pas ? Nous sommes alors capables de ressentir plusieurs sensations qui se couplent même au sens du toucher :
- Sensations chaudes,
- le piquant d’une moutarde à l’ancienne qui nous monte au nez…
- le brûlant d’un piment d’Espelette
- Sensations tactiles,
- l’astringent de pépins croqués d’une Granny Smith
- le pétillant d’un verre de Perrier citron vert !
- Ou Sensations froides,
- le glacial d’un mojito menthe
Notre faculté à sentir ne se limite guère pas à la réception de petites molécules odorantes dans notre nez ; des produits chimiques tels que le gaz CO2, dioxyde de carbone ou le gaz carbonique stimulent aussi ce nerf trijumeau (source : Faut-il sentir bon pour séduire – Roland Salesse, INRA). Ce serait l’exemple de bulles pétillantes de soda qui remontent picoter notre nez ce qui a pour conséquence de stimuler nos glandes lacrymales et c’est la larme assurée !
Alors à ce stade, vous vous posez surement la question : comment stimuler notre odorat avec des odeurs agréables en temps de canicule ?
Les Maisons de parfums en été : storytelling d’un esprit bucolique
Dès le printemps jusqu’à l’été, en parcourant les présentoirs des boutiques de parfumerie, fleurissent des créations de parfums directement inspirés de vacances d’été fabuleuses aux quatre coins du globe. Et puisque, tendance marketing oblige, la mode est à la déclinaison de senteurs au sein d’une même Maison, nous voyons naître des collections telles que le trio de parfums Cologne chez Louis Vuitton par le nez Jacques Cavallier Belletrud, esprit californien à souhait entre bouteilles arty et jus solaire, botanique ou désaltérant, les mythiques Aqua Allegoria de Guerlain avec touches aromatiques culinaires. C’est la parfaite saison pour les maisons de parfums pour retranscrire dans un flacon des odeurs de saison et associer à ces jus tout une histoire de vacances, de liberté et d’esprit serein.
Ces odeurs de saison éveillent nos sens et notre imagination. La Maison Margiela, et ses jus Replica, a d’ailleurs toujours appliqué un storytelling à ses créations estivales entre promenade dans l’herbe caressante, achat d’un bouquet de pivoines dans un marché dans la fraîcheur d’un petit matin ou détente sur la plage baignée d’embruns et de sable chaud. Vous sentez ? Fraîcheur et volupté sont idéalement mises à l’honneur dans un cadre de campagne bucolique ou de plage de sable doré et océan vivifiant.
Les esprits s’apaisent. Les corps se réchauffent et se baignent, la chair de poule éveille notre peau qui sent le bien-être. Apaisés. Heureux. Après avoir reçu notre dose de vitamine C, l’heure est donc au rafraîchissement.
Les odeurs qui « rafraîchissent », bien-être psychique ?
Jean-Jacques Rousseau disait que « l’odorat est le sens de l’imagination » dans Emile ou De l’éducation (livre 1762). Mais est-ce que l’imagination retranscrit bien la réalité olfactive ? Vous avez 4h. Trêve de plaisanteries bachelières ! Notre capacité à sentir serait donc un des précurseurs de notre imagination, qui rappelons-le est notre faculté de l’esprit d’évoquer, sous forme d’images mentales, des objets ou des faits connus par une perception, une expérience antérieure – stricto senso selon la définition Larousse. « Expériences antérieures » c’est le point d’intérêt à retenir ; car notre appréhension du monde des odeurs est largement influencée par notre vécu olfactif, et ce, depuis notre plus tendre enfance, voire in utero pour les puristes. Notre interprétation des odeurs se façonne tout le long de notre vie, c’est d’ailleurs le moteur de création des parfumeurs toujours en quête de nouvelles senteurs, flaveurs, images et sensations. L’effusion des sens.
En ce qui concerne les senteurs fraîches, notre nerf trijumeau est comme nous l’avons vu précédemment la clef de voûte de nos sensations senties comme froides ou chaudes. C’est la raison pour laquelle on aimera diffuser une huile essentielle de menthe poivrée chez soi en période de canicule pour procurer une sensation de fraîcheur respiratoire et ambiante instantanées, ou bien de la lavande vraie pour obtenir en plus de ces effets une sensation apaisante. Le sujet ici est bien lié à l’aromathérapie qui est selon Michael Edwards (écrivain, fragrance expert, historien) l’art de soigner avec des huiles essentielles aromatiques, et repose sur le principe selon lequel l’arôme des huiles essentielles a le pouvoir d’influencer l’humeur […] Etant donné que le système limbique contrôle à la fois l’odorat et les émotions, il est logique que certains parfums aient le pouvoir de stimuler ou de détendre les sens. Ces notes olfactives qui nous transmettent du « froid » peuvent alors être :
- la menthe, givrée, polaire, glacée
- la calone, note marine vivifiante douce
- les notes d’herbes coupées juteuses
- les agrumes pétillants rafraîchissants
- les notes de fleurs blanches propres
- les notes balsamiques, picotantes
- la lavande, fraîche et calmante
- la fleur d’oranger, acidulée et douce
Retrouvées très régulièrement dans la composition des parfums de la famille des hespéridés et Cologne ou tout simplement dans un petit flacon d’huile essentielle, nous accédons grâce à l’aromathérapie à l’harmonisation du corps et de l’esprit selon Patty Canac (Olfactothérapeute – Scent’Health). Il faut harmoniser la sphère psycho émotionnelle en situation de déséquilibre provoqué par les peurs, les angoisses, le stress, la colère, le manque de concentration, émotions négatives qui sont facilement causées par une chaleur excessive, dans notre cas. Ainsi une synergie de notes olfactives bien choisies en fonction de la personnalité propre de chacun conduit vraiment vers un confort mental, un bien-être. Notre bien-être. Votre bien-être.
« L’odorat ébranle le psychisme plus profondément que l’ouïe ou que la vue, il semble plonger aux racines de la vie. » Jean-Jacques Rousseau
Alors plongeons chers lecteurs !
Restez au frais.